mardi 12 mai 2015

LA FAVORITE de Donizetti, mes.Vincent Boussard - Toulouse/16.02.2014/Culturebox -

 De Gaetano Donizetti, version française, livret de Gustave Vaëz et Alphonse Royer.
Théâtre du Capitole, Toulouse, le 16.02.2014, sur Culturebox.

   Cette Favorite tient du miracle, si l’on en croit les comptes-rendus de nos chers critiques ! Changements de distribution à tire-larigot, cinq jours séparant la générale de la première et, cerise sur le gâteau, une panne informatique qui aurait pu mener à l’annulation de la représentation du jour de la Saint-Valentin, le 14 février 2014. « E pùre (et pourtant)…cette production est de haute tenue, animée par un professionnalisme impressionnant, si l’on en juge les difficultés rencontrées.
   On aime avant tout un plateau vocal bouleversant par la somme de ses beautés belcantistes. Dès le premier air de Fernand, « Un ange, une femme inconnue… », on est ému par les qualités du jeune Yijie Shi, annoncé comme remplaçant quelques semaines seulement avant la première. Tout y est, homogénéité des registres, facilité du passage, legato, aigus brillants et nourris, graves bien présents, pour ne parler que de l’essentiel. Il colore son Fernand de nuances d’une grande tendresse et sert profondément l’élégie donizetienne. Sans faillir, Yijie Shi relève et remporte ici un défi de taille !
Sa Léonor De Guzman, l’opulent mezzo Kate Aldrich, nous enveloppe de sa voix aux caresses mordorées et à la flexibilité appréciable.
Seule petite déception, ces deux matériaux sonores (Y.Shi et K.Aldrich) ne sont pas bien appariés. Peut-être une question d’amplitude vocale.
Ludovic Tézier, Alphonse XI…royal ! Royal d’allure, de jeu, de timbre. Rigoureux artisan d’un instrument et d’une technique en tous points admirables. Musicien de cœur, insufflant le style jusqu’au bout des sons. Et travail d’acteur qu’il fait sien à chaque nouveau rôle un peu plus. Si Renée Fleming est surnommée « double crème », je surnommerai Ludovic Tézier « triple ganache ». Son premier air, au II, « Jardin de l’Alcazar, Léonor, viens j’abandonne… » nous plonge dans un bonheur contemplatif et reconnaissant. Son premier duo avec Léonor, « O mon amour, o chaste flamme… » annonce la prochaine désunion des amants mais scelle l’enlacement de deux voix dont l’harmonie sombre et majestueuse est délice pour nos oreilles.
L’Inès de Marie-Bénédicte Souquet est convaincante de bout en bout, son soprano léger colorature alliant joliesse et solidité.
En revanche, le Don Gaspar d’Alain Gabriel et le Balthazar de Giovanni Furlanetto sont plus faibles vocalement. Louons toutefois leur fort investissement scénique.
Un Chœur du Capitole remarquable, particulièrement dans les ensembles avec solistes.
On s’enflamme pour cette partition qui prodigue abondance d’airs, à la veine mélodique intarissable. De cavatines plaintives en cabalettes martiales, cette Favorite est magnétique.
Antonello Allemandi a compris les attraits de ce Donizetti. Il en préserve totalement le luxe vocal et n’impose l’orchestre que quand il le faut. Il veille à de sages équilibres, préférant une fermeté structurante à un pathos débordant. Une direction musicale efficace.
   La mise en scène (Vincent Boussard) mêle simplicité (décors de Vincent Lemaire) et sophistication (costumes de Christian Lacroix et lumières de Guido Levi) pour inventer un monde onirique, chaleureux et attachant.
Qu’il s’agisse du couvent ou du Palais de l’Alcazar, les éléments du décor restent les mêmes : un ciel, de hautes arcades en trompe-l’œil se détachant dessus, un mur miroir permettant le redoublement de chaque scène, un escalier invisible en fond de plateau d’où arrivent et repartent chœur et protagonistes, un sol miroitant, quelque accessoires.
Mais cette structure permanente est constamment modifiée par la couleur et la lumière.
A chaque scène son ciel. Chacun comme un poème, aux teintes fondantes, turnériennes.
Les costumes nous transportent. Ils marient l’ancien et le moderne, comme l’habit des courtisans, long blouson noir , actuel, surmonté d’une demie-collerette plissée, immaculée, parfum d’un ailleurs médiéval. Ils juxtaposent des étoffes aux trames délicates et complexes (Alphonse XI) et rendent précieux chaque personnage avec leurs coupes asymétriques (Inès). Pour les dames de la cour, des robes volantées aux tons acidulés, crus, peu communs. Symphonie de couleurs ensorcelantes, aux déplacements savamment orchestrés, peintures vivantes, rappelant El Greco et son maniérisme. Kate Aldrich, quant à elle, est somptueusement vêtue, mais elle est plus, ici, la « fashion poupée » de Christian Lacroix que la Léonor du drame, surtout au IV.
Un ovni dans cette mise en scène : la valise de Fernand, dorée, phosphorescente, étrange accessoire dont on ne comprend pas bien l’esthétique ni le sens, sinon qu’elle apparaît à chaque fois que Fernand change d’univers, d’abord pour aller du couvent à la cour d’Alphonse XI puis retour au couvent.
La direction des chanteurs-acteurs de Vincent Boussard, sobre et équilibrée, intègre parfaitement le chant à une gestuelle au rendu naturel.
Enfin, les expertes lumières de Guido Levi s’unissent aux miroitements et reflets, estompent et se focalisent pour rendre les images irréelles.
   Ce qui plaît et touche dans cette production c’est l’amour que l’équipe de mise en scène porte aux chanteurs et à la musique et qui se lit dans ce souci de leur donner le meilleur dans leurs arts respectifs.
                                                                                                               
ACTUALITE : Sortie en DVD et BLURAY, 05/2014.

                                                                      *********
- Dépôt SACD n°277418 -

























                                                                                                                         


LA FINTA GIARDINIERA de Mozart, mes. David Lescot - Lille/03.2014/Medici.Tv et Culturebox - UN VRAI BIJOU ! -

De Wolfgang-Amadeus Mozart, livret Giuseppe Petrosellini ? Ranieri de Calzabigi ?
Opéra de Lille, 03/2014, sur Medici.Tv et Culturebox,
Et à l’Opéra de Dijon, les 9 et 11/04/2014.

Dans cette Finta Giardiniera, ce qui frappe d’entrée de jeu c’est la marque de fabrique de la direction musicale d’Emmanuelle Haïm. Energie et velours chez le Concert d‘Astrée, une musique vivifiante, où le rythme roi ne génère ni sécheresse ni dureté, inscrit dans un phrasé rond, ondoyant, chatoyant.
Tout ici célèbre les dix-huit ans du jeune Mozart compositeur, la fraîcheur et l’habileté des voix, le blanc pur et lumineux des costumes, le voyage des plantes printanières sur le plateau, cette forêt foutraque où se révèlent les amours, enfin une expressivité rigoureusement débordante, aux émois réjouissants, moderne -comme celle de Luca Pisaroni !
Tout ici n’est qu’ensemble et c’est là le grand régal. On aime toutes les voix pour leur savoir-faire et leur recherche obstinée d’un jeu dramatique homogène -Carlo Allemano, Erin Morley, Enea Scala, Marie-Adeline Henry, Marie-Claude Chappuis, Maria-Virginia Savastano, Nikolay Borchev. On aime cette mise en scène délicate, dont le dépouillement éclaire le ciselé musical, et sa direction de chanteurs-acteurs si soignée, portant au sommet la sensibilité mozartienne -David Lescot.
Cette Finta Giardiniera est le triomphe du charme et de l’engagement artistiques !
                                                                                                                         
ACTUALITE : Sortie en DVD et BLURAY, 05/2015

                                                                     *********

- Dépôt SACD n°277418 -