Photo: Blandine Soulage
« Una canción y una danza »
L’Amour Sorcier par Jean-Marie Machado
Orchestre Danzas et Compagnie Chatha
« Una canción y
una danza » demande la danseuse gitane Pastora Imperio à Manuel de Falla.
C’est pour son spectacle de variétés ; nous sommes en 1914, et la cantaora
Rosario la Mejorana, mère de Imperio, va immerger Falla dans la musique
flamenco, comme dans d’innombrables récits de fantômes, sorcières et magiciens
de pure tradition gitane. Ainsi naquit El Amor Brujo, avec Gregorio Martinez
Sierra pour librettiste.
Nous sommes environ 100 ans plus tard et le
saxophoniste Jean-Charles Richard souffle l’idée de remodeler les
flammes de cette fable de medianoche à Jean-Marie Machado, chef
de leur orchestre Danzas, pianiste et compositeur. Baptisé « Variations
musicales & chorégraphiques inventives d’après l’œuvre de Manuel de Falla
et Gregorio Martinez Sierra » un nouvel Amour Sorcier, intense
et original, nait en 2019 au CDBM pour la Biennale de la Danse du Val-de-Marne,
avec la Compagnie Chatha dans la chorégraphie d’Aïcha M’Barek et Hafiz
Dhaou. Profondément attaché au compositeur espagnol, Jean-Marie Machado
fond les vertus de l’écriture « fallesque » à la sienne. A l’éclatant
tissage d’Espagne andalouse et d’Occident classique, s’ajoute la luxuriance de
nouveaux alliages : harmonies, modulations moyen-orientales, jazz,
affinités stravinskiennes, ravéliennes, rythmiques latines ou swing notamment.
Bien que plus universel, le caractère dramatique demeure vif, véhément, pour
embraser la danse.
Plein de nuit et d’un piano sobre, le plateau
s’éclaire peu-à-peu, se garnit d’artistes arrivant sagement, côté jardin. Si,
instantanément, la mise en espace attire l’œil par sa classe presque sévère,
c’est sa fusion avec la musique et la danse, leur traversée, ensemble, de la
vie de la gitane Candela qui nous conquièrent. Sur une vaste mer étale
et blanche, en révolution permanente autour de l’île noire aux musiciens, les
danseurs jouent les chagrins, les amours de Candela. Fidèle à celle du duo
Falla-Sierra, elle est ici ensorceleuse en magie blanche ou noire, comme le
bien ou le mal ; minuit noir, minuit blanc, symbole fort de sa légende.
Toutes les grâces jaillissent de l’île aux onze musiciens, au milieu de la
scène. De l’intégralement noir du sol et des vêtements émergent la chaleur
acajou des bois, des entrailles du piano, les chatoiements or et argent des
cuivres et de la batterie, la blondeur paille de la chanteuse. Le soin du son, des
enchevêtrements de timbres touchent, - particularités de Jean-Marie Machado et
Danzas - ; la poésie ardente comme la verve des scansions de cette partition
émeuvent infiniment. Avec eux, la lumière acérée d’un mât laser semble faire
rayonner la persistance d’El Amor Brujo. La spontanéité pétille dans les
veines de la danse, foncièrement contemporaine. Pieds nus, évoluant
soyeusement, les six danseurs en noir et or (3 femmes et 3 hommes) glissent
côte-à-côte dans des marches et gestuelles identiques, plongent dans un récit
expressif, enfin jettent les feux des héros dans des solos captivants. Sur leur
terre blanche viennent converser alertement avec eux instrumentistes et cantaora.
Cantaora, le soprano Karine Serafin utilise essentiellement son
ample registre de poitrine, à la ligne fluide, saisissante, aux couleurs
rugueuses, qu’elle s’unisse au cœur de la musique, sur l’île ou enveloppe les
paroxysmes de la danse.
Une création généreuse, jubilatoire, que nous
espérons retrouver rapidement, post-lockdowns !
Distribution :
L’Orchestre Danzas : Jean-Marie Machado (piano), Cécile Grenier et Séverine
Morfin (violons altos), Guillaume Martigné (violoncelle), François
Thuillier (tuba), Didier Ithursarry (accordéon), Jean-Charles
Richard (saxophones), Elodie Pasquier (clarinettes), Stéphane
Guillaume (flûtes), Stracho Temelkovski (percussions), Karine Serafin
(voix)
La Compagnie
Chatha : Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou (chorégraphes), Marion Castaillet, Gregory Alliot, Phanuel Erdmann,
Johanna Mandonnet, Fabio Dolce, Sakiko Oishi (interprètes)
Lumières : Eric Wurst
Régie Lumière : Boris Moliné
Sonorisation : Gérard de Haro
Régie son : Etienne Clauzel
Costumes : Aïcha M’Barek
Production : Cantabile / Compagnie Chatha
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