jeudi 17 décembre 2020

L’ AMOUR SORCIER par Jean-Marie MACHADO - Orchestre DANZAS - Compagnie CHATHA - « Una canción y una danza » -

                                                                              Photo: Blandine Soulage


                            « Una canción y una danza »

             L’Amour Sorcier par Jean-Marie Machado

               Orchestre Danzas et Compagnie Chatha

 « Una canción y una danza » demande la danseuse gitane Pastora Imperio à Manuel de Falla. C’est pour son spectacle de variétés ; nous sommes en 1914, et la cantaora Rosario la Mejorana, mère de Imperio, va immerger Falla dans la musique flamenco, comme dans d’innombrables récits de fantômes, sorcières et magiciens de pure tradition gitane. Ainsi naquit El Amor Brujo, avec Gregorio Martinez Sierra pour librettiste.

Nous sommes environ 100 ans plus tard et le saxophoniste Jean-Charles Richard souffle l’idée de remodeler les flammes de cette fable de medianoche à Jean-Marie Machado, chef de leur orchestre Danzas, pianiste et compositeur. Baptisé « Variations musicales & chorégraphiques inventives d’après l’œuvre de Manuel de Falla et Gregorio Martinez Sierra » un nouvel Amour Sorcier, intense et original, nait en 2019 au CDBM pour la Biennale de la Danse du Val-de-Marne, avec la Compagnie Chatha dans la chorégraphie d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou. Profondément attaché au compositeur espagnol, Jean-Marie Machado fond les vertus de l’écriture « fallesque » à la sienne. A l’éclatant tissage d’Espagne andalouse et d’Occident classique, s’ajoute la luxuriance de nouveaux alliages : harmonies, modulations moyen-orientales, jazz, affinités stravinskiennes, ravéliennes, rythmiques latines ou swing notamment. Bien que plus universel, le caractère dramatique demeure vif, véhément, pour embraser la danse.

Plein de nuit et d’un piano sobre, le plateau s’éclaire peu-à-peu, se garnit d’artistes arrivant sagement, côté jardin. Si, instantanément, la mise en espace attire l’œil par sa classe presque sévère, c’est sa fusion avec la musique et la danse, leur traversée, ensemble, de la vie de la gitane Candela qui nous conquièrent. Sur une vaste mer étale et blanche, en révolution permanente autour de l’île noire aux musiciens, les danseurs jouent les chagrins, les amours de Candela. Fidèle à celle du duo Falla-Sierra, elle est ici ensorceleuse en magie blanche ou noire, comme le bien ou le mal ; minuit noir, minuit blanc, symbole fort de sa légende. Toutes les grâces jaillissent de l’île aux onze musiciens, au milieu de la scène. De l’intégralement noir du sol et des vêtements émergent la chaleur acajou des bois, des entrailles du piano, les chatoiements or et argent des cuivres et de la batterie, la blondeur paille de la chanteuse. Le soin du son, des enchevêtrements de timbres touchent, - particularités de Jean-Marie Machado et Danzas - ; la poésie ardente comme la verve des scansions de cette partition émeuvent infiniment. Avec eux, la lumière acérée d’un mât laser semble faire rayonner la persistance d’El Amor Brujo. La spontanéité pétille dans les veines de la danse, foncièrement contemporaine. Pieds nus, évoluant soyeusement, les six danseurs en noir et or (3 femmes et 3 hommes) glissent côte-à-côte dans des marches et gestuelles identiques, plongent dans un récit expressif, enfin jettent les feux des héros dans des solos captivants. Sur leur terre blanche viennent converser alertement avec eux instrumentistes et cantaora. Cantaora, le soprano Karine Serafin utilise essentiellement son ample registre de poitrine, à la ligne fluide, saisissante, aux couleurs rugueuses, qu’elle s’unisse au cœur de la musique, sur l’île ou enveloppe les paroxysmes de la danse.

Une création généreuse, jubilatoire, que nous espérons retrouver rapidement, post-lockdowns !

Distribution :

L’Orchestre Danzas : Jean-Marie Machado (piano), Cécile Grenier et Séverine Morfin (violons altos), Guillaume Martigné (violoncelle), François Thuillier (tuba), Didier Ithursarry (accordéon), Jean-Charles Richard (saxophones), Elodie Pasquier (clarinettes), Stéphane Guillaume (flûtes), Stracho Temelkovski (percussions), Karine Serafin (voix)

La Compagnie Chatha : Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou (chorégraphes), Marion Castaillet, Gregory Alliot, Phanuel Erdmann, Johanna Mandonnet, Fabio Dolce, Sakiko Oishi (interprètes)

Lumières : Eric Wurst
Régie Lumière : Boris Moliné
Sonorisation :
 Gérard de Haro
Régie son : Etienne Clauzel
Costumes : Aïcha M’Barek

Production : Cantabile / Compagnie Chatha