samedi 31 octobre 2015

L'ELISIR D'AMORE de Donizetti, mes. Grisha Asagaroff - Aéroport Malpensa/Milan, Arte 17/09/2015 -

                     
   Deux brèves sur www.forumopera.com (15/09/2015 et 18/09/2015), une annonce sur www.classiquenews.com (10/09/2015) et aucun compte-rendu/internet de sa diffusion sur Arte le 17/09/2015. Oui, cet «  Elisir d’Amore »  de Gaetano Donizetti à l’aéroport Malpensa de Milan n’est pas la tasse de thé de nos critiques. C’est regrettable car cette expérience-opératique hors-théâtre est très bien réalisée !
   La mise en scène de Grisha Asagaroff chemine entre inventivité efficace et bonhomie chaleureuse. Sa direction de chanteurs-acteurs a la grâce de la simplicité et l’attrait du travail soigné, servie par un plateau artistique aux solides compétences. Asagaroff transpose adroitement la vie paysanne du livret traditionnel en vie dans un aéroport. Belle réussite que la scène1 de l’acteI, avec un délicieux Nemorino, serveur qualifié au restaurant de Malpensa. ActeI/scène2, sous les roulements du tambour, dans une grandiose montée des marches, débarque Belcore, ici commandant de bord, narcisse accompli, entouré d’une brochette de fières hôtesses de l’air. Et reroule tambour pour l’atterrissage d’un minuscule avion monoplan (acteI/scène4) ! En sortent deux aviateurs, casqués comme il se doit, le « gran mèdico dottore enciclopèdico » Dulcamara, talonné par son impayable assistant (acteur muet). Après avoir embrassé le sol de la piste et reçu l’accolade d’Alexander Pereira, le Sovrintendente de La Scala soi-même, notre « gran personàggio » attaque son air « Udite, udite, o rustici ! » (acteI/scène5) pour vendre son élixir à la foule amassée autour d’un podium où se déroulera une bonne partie de l’opéra…
   Deux présentateurs pilotent habilement l’émission, Annette Gerlach, qui a lâché sa raideur coutumière pour un aimable bavardage, et Neri Marcore, acteur italien. Ils voguent d’acte en acte, questionnant nos héros-chanteurs sur les évènements en cours, sur l’humeur de leur personnage. Ils interviewent l’équipe de production, les spectateurs, ils occupent l’aéroport. Leurs nombreuses et plaisantes interventions structurent avec talent cette heureuse opération.
   Dans cet « Elisir d’Amore» , seul Michele Pertusi, le charlatan Dulcamara, accuse un certain âge, car, comme chacun le sait, toute charlatanerie résulte entre autres de l’expérience. Son sillabato donizettien, chic et décontracté, « ciàrla » d’éminent belcantiste, se sirote comme son « liquore màgico ». Le chanteur-acteur est « stupendo ». On boit cul-sec ses promesses mirobolantes maquillées d’astucieuse circonspection. Un docteur imposteur à l’hypocrite sévérité.
Il ne chante jamais et il ne parle jamais, mais il a le génie attendrissant du mime. C’est Jan Pezzali, l’assistant de Dulcamara. Démarche maladroite, hochements de tête sur un long cou, visage à l’expressivité enfantine et gestes empotés, une hyperémotivité réjouissante, avec quelques tics et manies, un magnifique et inénarrable acteur de muet.
Edgardo exalté (Lucia di Lammermoor/Bastille/09/2013), Nemorino exubérant (ROH/live-ciné/11/2014) ou ici le même « timido » mais bouillant, Vittorio Grigolo est artiste électrique. Ampleur euphorisante, morbidezza craquante (particulièrement le larghetto « Adina crèdimi, te ne scongiuro », acteI/scène10), nuances en nuées, fluidité des passages ou encore souplesse confortable…son chant est élégance de la légèreté. Ses incarnations scéniques transportent, fusion de vitalité et d’intensité.
Tout est pulpeux chez l’Adina d’Eleonora Buratto ! Rondeur du son et formes arrondies, soprano pimenté pour personnage corsé, luxe d’harmoniques graves écho des yeux de braise. La partition vous le dira, la musicienne est fignoleuse, la vocalise sans négligences. L’interprète combine le charme du strict à la joliesse du moelleux.
D’airain noir et de robustesse inébranlable, l’éclatant baryton de Mattia Olivieri s’accorde parfaitement à la risible suffisance de Belcore, comme à son antipathique désobligeance. Un beau parleur fort bien chantant.
Bianca Tognocchi est une Gianetta exquise, de notes et d’allure. Le Chœur de La Scala est enchanteur et enchanté.
  Tempi favorables, dynamiques raffinées et couleurs joyeuses, Fabio Luisi et l’Orchestre de La Scala portent avec bonheur le plateau vocal dans cette acoustique peu évidente de hall d’aéroport.
La jeunesse et la gaieté de cet « Elisir d’Amore » sont totalement restituées dans cette production de Malpensa, à revoir sur Arteconcert jusqu’au 16/03/2016.

                                                                       *********