samedi 5 septembre 2015

ALCINA de Haendel, mes. Katie Mitchell - Aix/10.07.2015/Arte -

   Avec l’ALCINA de Haendel au Festival d’Aix, le 10.07.2015 sur Arte, c’est la politique du « deux en un » : pour le prix d’une place d’opéra, vous avez aussi une place de peep-show/SM, ici du « porno soft et chic », comme dit si bien Le Blog du Wanderer /14.07.2015. Quatre scènes sadomasos tout de même ! Barbantissime, alors qu’une seule aurait suffit à ce que nous comprenions la vision de la metteure en scène Katie Mitchell. Les critiques parlent de « revendication du féminisme de la mise en scène » (Le Blog du Wanderer), de « brûlant manifeste du plaisir féminin » (ResMusica/07.07.2015).
Soit. Malgré mon agacement à ce sujet, K. Mitchell conduit avec maestria sa réactualisation d’un livret peu substantiel à la base. Elle combine parfaitement cette histoire de magie vieillotte à notre monde actuel par le biais d’un décor (Chloé Lamford) sur deux niveaux et plusieurs entrées, permettant le passage d’un monde à l’autre. Au milieu, l’espace principal où les sœurs enchanteresses Alcina et Morgana exercent leurs sortilèges amoureux sous l’aspect de belles jeunes femmes modernes. Puis, deux espaces latéraux où, sitôt la porte franchie, elles redeviennent les vieilles et laides sorcières qu’elles sont réellement, remarquablement incarnées par les deux actrices Juliet Alderdice et Jane Thome. Ces nombreuses métamorphoses (faites dans les deux sens) sont autant de moments saisissants et minutieusement réalisés. Avec ses ballets incessants de valets et femmes de chambre, raides et intensément disciplinés, avec un parfum de maniaquerie dans la scénographie et jusques dans les scènes de perversions sexuelles, K.Mitchell semble très certainement avoir voulu un ALCINA morbide et y a d’ailleurs réussi ! En dépit de quelques détails humoristiques, cette mise en scène reste pesante et parfois fastidieuse.
   L’attrait de cette production vient de l’engagement généreux et des innombrables talents du plateau vocal. Avant tout il y a l’Alcina prodigieuse de Patricia Petibon. La plus grande force de cette artiste hypersensitive est sa recherche absolue d’expressivité. Son chant palpitant sait toujours transmettre l’éternelle modernité des émotions humaines. Son amant-objet Ruggiero/Philippe Jarrousky nous enrobe d’une dentelle virtuose de notes étourdissantes. Par la délicatesse de l’ornementation, par le raffinement des nuances, par la grâce de son interprétation, il parvient à donner du caractère à « Verdi prati » (ActeII), air (pour moi) le plus insipide du répertoire haendélien. « Anna Prohaska minaude sa Morgana au point d’amollir les contours de la ligne… » dit David Verdier/Altamusica/10.07.2015. Ce qui n’est pas faux. Mais n’est-ce pas une volonté de marquer d’une forme de sensualité ce rôle -très difficile- que K.Mitchell lui fait jouer intégralement dans des scènes sadomasos ? Son chant est impeccable mais gêné (j‘ai l’impression) par les contraintes de la mise en scène. Elle a bien du mérite, la jeune A. Prohaska d’avoir accepté les délires de la Mitchell ! Somptueuse étoffe bordeaux que le mezzo de Katarina Bradic ! Sa Bradamante est ardente de jeu comme de timbre, mais la technique vocale, honorable, nécessiterait quelquefois un peu plus de projection. Anthony Gregory/Oronte est tout-à-fait efficace et très investi scéniquement, comme la belle basse Krzysztof Baczyk/Melisso. L’Oberto d’Elias Mädler est charmant et appliqué, mais je préfère une voix plus mûre pour ce rôle.
   Si Andrea Marcon (direction musicale) et les Freiburger Barockorchester nous content un ALCINA ravissant, tout en souplesses et en onctuosités, dans une alliance idéale avec les voluptés du plateau, cette exécution manque de poigne.
Mon affection  va à la direction musicale de Christophe Rousset (La Monnaie/03.2015/mes. Pierre Audi) où l’on retrouve « toutes les saveurs de l’écriture haendélienne, la virilité qui galvanise, la force des épanchements, la sévérité et la colère qui foudroient ou encore cette légèreté toujours majestueuse… », comme je l’ai écrit dans ce même blog au mois de mars 2015 .

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