mercredi 22 juillet 2015

ERNANI de Verdi, mes. Jean-Louis Grinda - Monte-Carlo/04.2014 et 11.2014/France3 -

                                   
   L’Ernani de Verdi, à l’Opéra de Monte-Carlo (04.2014 et France3/11.2014), est bâti de Yin et de Yang. Yin est la mise en scène de Jean-Louis Grinda, univers de tableaux aux beautés intenses, plutôt statique, complément et réceptacle du Yang de cette partition verdienne, forte d’une énergie éclatante et obstinée.
   Jean-Louis Grinda respecte la période Renaissance du livret. Il en utilise le « chiaroscuro » de sa peinture à travers les lumières envoûtantes du talentueux Laurent Castaingt. D’époque eux aussi, les fastueux costumes de Teresa Acone dynamisent et enchantent la mise en scène par leur grande variété et leurs changements à chaque acte. Et le très astucieux jeu de miroirs, en fond de scène, accentue certains passages, crée un discours visuel supplémentaire et donne du panache à l’ensemble, en reflétant les personnages et les décors sobres mais recherchés d’Isabelle Partiot-Pieri (belles images filmées de Stephan Aubé). Au I, la fine stylisation d’un des panneaux de « La Bataille de San Romano » du peintre Paolo Uccello (vers 1456) souligne, d’entrée de jeu, le ton guerrier de l’œuvre. Ses ocres, terres de Sienne et rouges sombres nourrissent l’ardeur des notes de Verdi. Et ce sont aussi des fragments de cette bataille, comme des réminiscences rouge sang, qui ourlent le haut des murs du château de Don Ruy Gomez de Silva, au II. L’âme sertie d’acier de ce Grand d’Espagne brille dans le froid étincelant de ces heaumes et cuirasses exposés, chez lui, sur des colonnes en enfilade. In fine, pour le noces d’Elvira et d’Ernani, au IV, immense tente couleur ciel, aux drapés soyeux, parsemés de lys et d’étoiles d’or. Vision de rêve pour issue tragique.
   Pour ce qui est des voix, nous sommes au paradis. Le chant de Ramon Vargas/Ernani est la grâce même, sincère, naturel, fruit d’une patiente recherche d’équilibre entre virtuosité et vaillance. Si la ligne vocale est déliée, le son reste toujours plein, incarné, prêt à bondir sur les cimes de la tessiture, sans perdre la liquidité du phrasé, sur un souffle rigoureusement maîtrisé. R.Vargas donne jeunesse et impulsivité à son Ernani, par la tendresse lumineuse inhérente à son timbre et un héroïsme vocal débridé. Magnifique Elvira de Svetla Vassileva, pourtant souffrante. Voilà une musicienne chevronnée, vocalises et ornements soignés, nuances délicates, grande expressivité. Dès lors, les quelques aigus criés et certains passages un peu plus laborieux passent à  la trappe. Tout au long de la tragédie, S.Vassileva façonne une Elvira profondément tourmentée, aimante et forte. Verdi a fait la part belle au personnage de Don Carlo, présent aux trois premiers actes et auquel l’ActeIII est dédié. Ludovic Tézier/Don Carlo déploie ici toutes les facettes d’un art vocal consommé. Son legato, infini, confère l’onctuosité nécessaire à sa déclaration d’amour à Elvira (ActeI/« Da quel di che t’ho veduta… »), va tissant les pensées de sa méditation
(ActeIII/« Scettri, dovizie, onori…Oh de verdi anni miei… »), et porte gravement, adagio, l’annonce de sa clémence de nouvel empereur (ActeIII/« Oh sommo Carlo… »). Quelle leçon de chant phénoménale que le « Vieni meco sol di rose… » au II, interprété exclusivement piano et pianissimo, avec tous les allègements de la terre, air où Don Carlo invite Elvira à partager sa vie ! Chaleur du bronze et matité de l’étain, la voix ample et enveloppante d’Alexander Vinogradov/Don Ruy Gomez de Silva ensorcèle. La pureté de ce chant abyssal, très ferme mais toujours ductile, force le respect. Et, dans les ensembles avec Chœur, les quelques fugitifs et sublimes entrelacs de pulpes vocales sombres et généreuses (L. Tézier et A. Vinogradov) sont autant d’instants de béatitude. Le Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, divinement préparé par Stefano Visconti, a mille nuances à l’archet, dans une œuvre où il pourrait se contenter d’épater la galerie par le seul volume sonore. Les comprimari, tous excellents, se mêlent parfaitement aux protagonistes, la Giovanna de Karine Ohanyan, comme le Don Riccardo de Maurizio Pace et le Jago de Gabriele Ribis.
   Une bonne direction musicale d’Ernani ne passe-t-elle pas obligatoirement par une gestion supérieure des forces rythmiques sur l’ensemble de l’œuvre ? Car, malgré l’importance de la mélodie, c’est le rythme qui est prépondérant ici. Et j’oserai dire que ça balance bien chez Daniele Callegari. De plus, il crée un monde extrêmement riche en couleurs, formes et intensités et ses tempi restent dans une zone de confort pour les voix, d’où un très grand plaisir auditif . Enfin, en estompant le caractère martial de cet opéra il met en lumière les autres émotions dramatiques.
   En conclusion, une production d’Ernani subtile, virtuose et esthétique.

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- Dépôt SACD n°277418 -











































                                                         

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