samedi 25 juillet 2015

IL TROVATORE de Verdi, mes. Alvis Hermanis - Salzbourg/15.08.2014/Arteconcert -


   Dans cette production d’Il Trovatore de Verdi, à Salzburg/15.08.2014/Arteconcert, le texte chanté du livret reste le même mais Alvis Hermanis (mise en scène et décors) situe l’action dans un musée contemporain regorgeant de tableaux de la Renaissance. Leonora, une des gardiennes, rêve son amour avec Il Trovatore/Manrico, héros né d’une œuvre exposée, « Le Joueur de Luth » de Giovanni Busi (Il Cariani). Elle entraîne dans un monde fantasmatique collègues (Inès, Conte di Luna), guides (Ferrando, Azucena) et touristes (Chœur), transformés en personnages sortis tout droit des tableaux. Nous voilà ramenés dans le XVème siècle du récit initial et en Espagne, car Leonora porte la même robe que celle d’Eléonore de Tolède sur son portrait par Bronzino. Certaines toiles circulent sur le plateau pour évoquer les thèmes des différentes scènes. Par cette remontée dans le temps, A. Hermanis sait garder l’âme historique d’Il Trovatore et la relier à nos âmes d’aujourd’hui. Rouges du désir et de la passion, rouge nocturne du secret d’Azucena, rouge du feu des gitans ici devenu danse, rouge violacé des puissants (Conte di Luna), rouge de la guerre et rouge du sang versé en fin. Par tous les rouges de la palette des peintres A. Hermanis symbolise et synthétise les idées fortes du drame. Il célèbre le chant, mêlant au silence éternel de la peinture la musique flamboyante de ce Verdi.
   D’entrée de jeu (ActeI/ScèneI) Riccardo Zanellato/Ferrando force notre respect. Chant et musicalité irréprochables dans un timbre imposant, aux bruns et noirs caressants. A quand Philippe II (Don Carlo) ?
L’Azucena de Marie-Nicole Lemieux est d’abord déroutante. ActeII/ScèneI, son « Stride la vampa » dérange par son côté comique et une ligne vocale parfois malmenée (peut-être le trac ?). Mais cette artiste hors-normes reprend le dessus, dès la scène suivante (ActeII/ScèneII) « Condotta ell’era in ceppi » et nous offre une interprétation saisissante d’Azucena. Ses récitatifs sont d’une richesse expressive étonnante, probablement grâce à sa pratique du baroque, et la précision des nuances est fabuleuse. ActeIII/ScèneIV, son « Giorni poveri » (confrontation au Conte di Luna) met en valeur le rubis chatoyant de son medium et haut-medium. MN. Lemieux trouvera certainement dans le temps un meilleur équilibre entre jeu d’acteur et legato, entre émotion et vibrato pour son Azucena.
Comment ne pas être impressionnée par un Placido Domingo/Conte di Luna se donnant à 500% malgré d’énormes problèmes de souffle. Quel courage et quelle leçon ! Son charisme et un phrasé supérieur balayent toutes les difficultés perceptibles et nous suspendent à son chant. Seul bémol, P. Domingo est toujours un ténor chantant des rôles de baryton et les ensembles, trios et quatuor, aux I, II et IV, avec deux ténors au lieu d’un ténor et un baryton, sont franchement frustrants pour l’oreille qui attend une harmonie sonore devenue impossible.
Le Manrico de Francesco Meli est un bonheur immense. Le cantabile lui va si bien ! Son premier air (ActeI/ScèneIII), « Deserto sulla terra », chanté en coulisses, retient de suite l’attention, legato souverain, flexibilité vocale… « Mal reggendo all’aspro assalto » (ActeII/ ScèneII) dévoile les beautés d’un timbre corsé, au clair-obscur envoûtant. La projection est solide, le musicien raffiné. On succombe lorsque Manrico parle d’amour à Leonora (ActeIII/ ScèneV), « Ah si, ben mio, coll’essere ». Les notes vibrantes et délicates racontent les racines belcantistes de F. Meli. De ci de là il nous gratifie d’ornements bien pensés, en supplément. « Di quella pira » ou le summum d’une vaillance éclatante avec deux suraigus, non écrits par Verdi, mais tolérés « à condition qu’ils soient très beaux ». Ils sont bien chantés et les passages sont bons. Mais voilà, le suraigu final, bien tenu, n’est pas lié à la dernière note de l’air, à l’octave en-dessous. Juste une mise au point à faire. Un tel ténor est déjà une étoile.
La voix d’Anna Netrebko/Leonora porte en elle la ferveur des terres verdiennes. Le timbre est brûlant, charnel, resplendissant de mille couleurs. L’aigu est lumière dense, soutenue, le grave présence remarquable. La maîtrise vocale est renversante. Mélancolie du désir (ActeI/ ScèneII),
« Tacea la notte placida ». Désespoir déchirant l’éther (ActeIV/ScèneI), « D’amor sull’ali rosee ». Fulgurances de l’âme au bord du suicide (ActeIV/Scène II), duo final avec le Conte di Luna. A. Netrebko est une Leonora inoubliable.
   Daniele Gatti et les Wiener Philarmoniker font dans la dentelle. Recherche constante d’un accompagnement juste du plateau, subtilité des nuances, tempi sages et une sensibilité privilégiant un romantisme humain à la grandiloquence parfois de mise dans cette partition.
   Une production d’Il Trovatore où l’univers des rêves rouges d’A. Hermanis rejoint l’imaginaire musical de D. Gatti.

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- Dépôt SACD n°277418 -





































                                                           






























































































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