mardi 4 août 2015

Deux MANON LESCAUT de Puccini - ROH/ciné-live/24.06.2014/mes. Jonathan Kent et Baden-Baden/Arteconcert/16.04.2014/mes. Richard Eyre -

                     
Voir deux Manon Lescaut (Puccini) à deux mois d’intervalle et succomber à la tentation de la comparaison…
24 juin 2014, au cinéma, en direct-live du Royal Opéra House, de passions violentes en sentiments tendres, de notes acérées en nuances délicates, la Manon Lescaut dirigée par Antonio Pappano est théâtre incandescent, destins inéluctables. Celle de Simon Rattle, à Baden-Baden en avril 2014 (Arteconcert), est quête d’amour absolu, contée par les phrasés infinis des Berliner Philharmoniker. Pappano est terre et feu, Rattle eau et ciel. Leurs deux musiques sont exaltantes et vérités pucciniennes.
Au ROH, le complice de Pappano à la mise en scène est Jonathan Kent -le faiseur d’un Don Giovanni (Mozart) jubilatoire, à Glyndebourne en 2010, avec Gérald Finley et Luca Pisaroni (en DVD et sur Medici.tv). Embarquement immédiat dans son théâtre tourbillonnant, à l’énergie torrentielle. Mélange détonant d’un imaginaire fécond et d’une remarquable minutie, preuve en est une direction de chanteurs-acteurs où rien n’est laissé au hasard. Sa transposition de Manon Lescaut à notre époque, dans le monde de la prostitution et du reality-show, fonctionne, presque sur l’ensemble de l’opéra. A Baden-Baden, le metteur en scène Richard Eyre a lui aussi réussi la transposition de sa Manon Lescaut qu’il a située à Paris, sous l’occupation allemande. Des images à l’esthétique soignée, une grande poésie au III et au IV, une mise en scène solide et dynamique. Mais Jonathan Kent remporte mon adhésion par sa virtuosité, et ce malgré un mauvais goût ostentatoire par moments et un esprit racoleur -dans les scènes sexy-sexuelles-, du second degré très certainement mais lassant à la longue. La mise en scène de Richard Eyre, elle, reste un splendide écrin aux ardents ébats vocaux des chanteurs. Cette Manon Lescaut de Baden-Baden a le poids de la musique, mais lui manque le choc du théâtre.
Venons-en au chant. Désolée pour les fans de Jonas Kaufmann -dont je fais partie aussi- mais son Des Grieux au ROH n’est pas meilleur que celui de Massimo Giordano à Baden-Baden. Certes J.Kaufmann et M.Giordano n’ont pas le même type de voix et de ce fait l’équilibre sonore entre orchestre et chant est certainement plus facile à obtenir pour J.Kaufmann. Mais qualitativement leurs deux Des Grieux se valent. Des techniques vocales magnifiques au service de deux Des Grieux, les plus « hot » du monde,  pour M.Giordano version désespoir et  pour J.Kaufmann version tendresse. L’un comme l’autre donnent tout dans ce rôle si exigeant.
Au ROH, Kristine Opolais est une Manon Lescaut au physique avantageux, formant un couple de rêve avec le séduisant Des Grieux de J.Kaufmann. Elle touche par une grande expressivité, un jeu intense et un chant châtié. Mais je lui préfère la Manon Lescaut de Eva-Maria Westbroek à Baden-Baden (et à Bruxelles en 2013) dont les notes sont sensualité et morbidezza, peut-être à cause d’une voix plus large et d’un legato souverain donnant toute leur fluidité aux phrasés pucciniens. La Manon Lescaut de Kristine Opolais est une prise de rôle. Lui manque-t-il tout simplement la maîtrise et l’aisance qu’apportera la maturation de son interprétation ?
Tutto a posto (tout va bien) en ce qui concerne les seconds rôles et le chœur, au ROH comme à Baden-Baden.
Au final, deux productions diversement marquantes…

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- Dépôt SACD n°277418 -
                                                       

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