vendredi 7 août 2015

HAMLET d'Ambroise Thomas, mes. Olivier Py - Bruxelles/La Monnaie/streaming, 12/2013 -

                                   
   A La Monnaie, en streaming, décembre 2013, un exceptionnel Hamlet d’Ambroise Thomas. Forces magiques, fruits d’une synergie rigoureuse entre les différents arts présents. Musique et chant d’une modernité absolue, au naturel d’interprétation évacuant toute emphase pesante et sculptant radicalement la vigueur du drame. Théâtre portant la musique et les voix dans des images et des sentiments traversant les siècles.
Les fantastiques décors de Pierre-André Weitz évoquent pour moi les gravures de Maurits Cornelis Escher (1898/1972, Maisons d’escaliers, Relativité, Haut et bas, Concave et convexe) : précision extrême des lignes et mouvements envoûtants. Dans cet univers si noir d’escaliers monumentaux, de voûtes, colonnes et souterrains, la beauté des lumières de Bertrand Killy -surtout les blanches !- rehausse l’architecture de Weitz et dévoile, parfois brutalement mais divinement, les folies dévastatrices des âmes.
Sobriété et simplicité dans la gestuelle et les déplacements, mais recherche d’une expressivité extraite des profondeurs du chant, Olivier Py met en scène admirablement un plateau de chanteurs-acteurs « allumés ».
Tout simplement génial, Stéphane Degout en Hamlet délivre un chant accompli et serein. La voix s’est élargie, le jeu s’est épuré, on peut voir la différence avec la même mise en scène/Vienne/2012/sur YouTube. A chaque instant on s’émerveille du phrasé, de la diction,  ou encore du style.
« Voix soeurs » pour Hamlet et Ophélie, proches par la concentration du son, par la densité constante de l’émission. A écouter dans leurs duos « Doute de la lumière… », puis « Allez dans un cloître, allez Ophélie… »
Olivier Py a voulu la blancheur -manichéenne ?- pour son Ophélie et Lenneke Ruiten l’a habitée d’innocence et de résignation. Ses airs « Adieu dit-il, ayez foi… » et « A vos jeux mes amis… », vidés de tout désir charnel, n’en sont que plus hallucinants. Son registre aigu est d’une aisance et d’une richesse remarquables.
Sylvie Brunet-Grupposo, Reine Gertrude vénéneuse et infernale, brûle d’un engagement total et passionne de bout en bout. Seul bémol, elle semble parfois à la limite de ses possibilités vocales. Comme toujours, Vincent Le Texier est un chanteur-acteur sincère et généreux. Son Claudius sonne profondément juste. Rémy Mathieu/Laërte a un joli brin de voix, à suivre ! Les comprimari et les Chœurs de La Monnaie sont impeccables.
Marc Minkowski, notre griot blanc, insuffle une vie nouvelle à cet Hamlet. Ce chef, anciennement dansant, a su importer cette dynamique vivifiante, ce « rythme organique » (Paavo Järvi/Diapason/01.2014) qui viennent de son vaste passé de baroqueux. Toute partition du XIXème français, touchée par la grâce de sa baguette, trouve énergie et relief.
L’intelligence et les intenses qualités artistiques de cette production nous ouvrent les portes de l’Hamlet d’Ambroise Thomas, celles d’une musique où chaque note crée  du théâtre.

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- Dépôt SACD n°277418 -






                                                   

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