vendredi 7 août 2015

LUCREZIA BORGIA de Donizetti, mes. Guy Joosten - Bruxelles/La Monnaie/streaming, 03/2013 - LA BORGIA RENAISSANCE -

                   
   Fascinant Lucrezia Borgia de Donizetti (en streaming sur le site de La Monnaie de Bruxelles/03.2013) ! Un Donizetti entêtant, envoûtant, musc et ambre mêlés, servi par un plateau vocal ardent, le cœur dans la voix. Cela malgré une mise en scène inégale.  
   Les univers choisis par Guy Joosten (metteur en scène), fête foraine et cirque, s’emparent efficacement de cette œuvre, MA… l’on se prend à rêver d’ambiances du Caravaggio, comme les portraits du « Fanciullo con canestro di frutta» pour Gennaro ou du « Bacchus malade » pour Maffio Orsini. Le Caravage colle à la peau de Lucrezia Borgia, temps historique, monde cruel, obscur et orgiaque et enfin, comme sur la planète belcantiste donizettienne, peintures d’affects exacerbés, contrastes ingénieux et récurrents.
   Néanmoins on est littéralement pris aux tripes et l’on y revient quotidiennement à ce Lucrezia Borgia au Cirque Royal de Bruxelles. Ici, la performance vocale devient évidence.
   Silvia Tro Santafe/Maffio Orsini resplendit d’entrée dans son premier air « Nella fatal di Rimini » -moins connu mais aussi captivant que « Il segreto per esser felice »- Belle concentration d’harmoniques pour une densité sonore optimum, précision et dynamique dignes d’une Fiorenza Cossotto. Feu et velours, douceurs d’ocres brunes, caressantes moirures cerise, profondeur d’aigue-marine et lumière d’émeraude, le timbre de Tro Santafe, entre glorieux suraigus et graves androgynes, se consume.
   Difficile de ne pas succomber au Gennaro de Charles Castronovo ! Sa musique, naturelle, son personnage, juste et équilibré. Castronovo savoure immensément le phrasé donizettien, en épouse totalement les vibrations romantiques. Son instrument s’épanouit, « se kaléidoscope ». Quel régal ! Après un Vincent/Mireille/2009/Garnier et un Alfredo/Traviata/2012/Aix nettement moins convaincants.
   Quelle fougue, quelle vaillance dans le Don Alfonso de Paul Gay ! -bien qu’il n’y semble pas complètement à l’aise- Son baryton-basse allie, avec bonheur, simplicité et séduction d’une ligne toute mozartienne à des couleurs véhémentes et verdiennes.
   La vocalise à fleur de peau, la sensibilité pour ancrage, la technique comme fondation, la sincérité pour ligne force, le don de soi comme philosophie, enfin, le chant pour la vie, Elena Mosuc nous emporte dans sa Lucrezia Borgia, oscillant entre femme et monstre. Mosuc s’élève au rang de ses prédécesseures, grandissimes tragédiennes et éminentes virtuoses.
   Ce quatuor de « primari » signe « la Borgia renaissance », balayant d’un revers vocal tout ce qui peut paraître conventionnel à nos oreilles du XXIème siècle, insufflant une vie insolente, généreuse, perpétuelle à cette partition si injustement délaissée par les scènes lyriques.

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- Dépôt SACD n°277418 -











                                                   

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