mardi 4 août 2015

MANON LESCAUT de Puccini, mes. Richard Eyre - Baden-Baden/16.04.2014/Arteconcert - VERTIGES DE L'AMOUR -

Manon Lescaut de Giacomo Puccini, livret mis en forme par sept auteurs différents…

   Il faut regarder Sir Simon Rattle diriger l’Intermezzo qui précède le III  de cette Manon Lescaut de Puccini (Festival de Pâques/Festspielhaus/Baden-Baden/16.04.14/ArteConcert). Il vibre au solo du violoncelle, il se laisse envahir par les raffinements de ses Berliner Philharmoniker, il vit l’ivresse des vagues pucciniennes…Les transports romantiques, douloureux et fous de cette partition naissent dans une fluidité absolue de la phrase musicale et les Berliner Philharmoniker, dans un legato stupéfiant, chantent chaque seconde avec le plateau.
   Un chœur, le Philarmonia Chor Wien, toujours efficace et un plateau très homogène, du moindre comprimario aux protagonistes du drame. L’Edmond de Bogdan Mihaï respire toute la légèreté et l’aisance requises par sa jeunesse estudiantine. La basse classieuse de Liang Li promène la morgue de Géronte de Ravoir. Et Magdalena Kozena, en chanteur de madrigal, nous emballe ses graves élégants d’une ironie féroce. Lester Lynch/Lescaut allie chant qualitatif et spontanéité théâtrale avec une facilité déconcertante.
Des Grieux est un rôle hors-norme et impitoyable, où le chanteur navigue, d’un bout à l’autre de l’opéra, dans les haut-médium, aigus et suraigus, sans presque jamais descendre dans le médium et le grave, et sans pratiquement quitter la scène.  Massimo Giordano est un Des Grieux de haut-vol. Vaillance de l’extrême, simplicité dans le jeu, vérité d’un chant ardent et sensible, parfois
« alla Di Stefano ». Si la flamme amoureuse de Des Grieux est véhémente, celle de Manon Lescaut est sensuelle et se déploie en phrases interminables, aux tenues de souffle athlétiques, aux nuances complexes et aux suraigus abondants. Renata Scotto considère Manon Lescaut comme « sans doute le rôle de Puccini le plus difficile vocalement » (Le Monde de la Musique/ 08.2004). Eva-Maria Westbroek a les notes de Manon gravées en elle, depuis sa prise de rôle à Bruxelles en 2013. Elle en a le timbre couleur chair et la voix image du corps, ronde, généreuse, libre, incandescente.
   La mise en scène de Sir Richard Eyre s’inscrit dans une volonté de réalisme. Si l’esthétique y est importante et soignée, elle ne soumet pas le déroulement de cette Manon Lescaut à la toute-puissance du visuel et des signifiants -très « dans le mouv’ », aux effets souvent faciles !- La direction des chanteurs-acteurs est solide et dynamique, les mouvements de foules naturels et harmonieux. La transposition du livret sous l’occupation allemande à Paris fonctionne très bien, hormis une incohérence au III, où il est fort peu probable qu’il y ait eu des déportations de prostituées en Amérique à cette époque. Paradoxalement, ce III reflète parfaitement l’atmosphère du drame, avec son décor poétique, au sinistre bateau d’ailleurs décrit dans la partition. Au IV, nous sommes « privés de désert » (Catherine Jordy/Forumopera.com/24.04.2014), certes, mais rassasiés de vertiges de l’amour ! Seul regret, le costume de Manon, au I, qui désavantage franchement EM. Westbroek.
En conclusion, cette mise en scène puise impact et énergie dans l’action, et c’est là que réside son panache.

                                                                    *********

- Dépôt SACD n°277418 -


                                                 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire