mardi 4 août 2015

LA FANCIULLA DEL WEST de Puccini, mes. Nikolaus Lehnhoff - Paris/Bastille/16.02.2014 - THE GOLD AND MOVIE LAND -

Le pays de l’or et du ciné…
La Fanciulla del West de Giacomo Puccini, livret de Guelfo Civinini et Carlo Zangarini,
Opéra-Bastille, dimanche 16 février 2014.

  Certes, d’aucuns rêvaient d’un grand western sur la scène de l’Opéra-Bastille, avec des canassons, des vrais, et aussi l’odeur du crottin. « Hip, hip , hurrah ! » Et tout plein de beaux cow-boys, des blonds, des bruns, des roux, aux torses nus, aux chemises à carreaux et foulards négligemment noués autour des cous, grimpant et courant partout, se roulant dans la poussière en tirant des coups de pistolets tournoyants. Et l’odeur des cartouches. Et les portes du saloon qui claquent en grinçant. Et le whisky coulant à flots… Ah, les westerns de notre enfance ! Nous aurions tant aimé en revivre un chouia, en live, avec La Fanciulla del West à Bastille. « Dooda, dooda day ! » C’est une petite musique du regret et de la frustration qui s’entend dans les papiers de certains de nos critiques adorés, ainsi que chez une partie du public. Mais, soyons sérieux, nous avons passé l’âge des westerns !
   Sans compter que la ruée vers l’or, ça existe toujours ! Le fond est là, c’est juste la forme qui change dans cette mise en scène de Nikolaus Lehnhoff pour La Fanciulla del West. Une soixantaine d’années sépare la première de cet opéra au MET (1910) de l’histoire de la Ruée vers l’Or en 1849, racontée par David Belasco dans sa pièce The Girl of the Golden West. Et une soixantaine d’années sépare la première de cette mise en scène de Lehnhoff (2009) de sa néo-ruée vers l’or qu’il situe entre Wall-Street et Hollywood dans les années 50. Hasard bizarre. Comme pour s’excuser du manque de western occasionné, mais pour servir l’extraordinaire partition de Puccini, Lehnhoff y a mis tout le colossal possible, les grands espaces capitalistes et ses aventuriers toutes classes confondues. C’est jubilatoire ! « Hip, hip, hurrah ! » Ouverture, orchestre rutilant et projection géante d’une vidéo de Wall-Street, années 50. D’emblée, scotchant ! L’acte I pourrait avoir un sous-titre « la jeune fille et la testostérone », avec sa Minnie cuir rouge, ondulant sans complexe au milieu d’une foule de ragazzi  de tous âges, cuir et accessoires noirs. Cet énorme bar souterrain, tout clignotant de machines à sous, retentit de beautiful chants mâles et énergisants. Et des grattes-ciel infinis, immense photo à travers une unique fenêtre, nous transportent dans un Nouveau Monde vibrant aux accents torrentiels des phrasés pucciniens. L’acte II, qui a provoqué tant de remous dans nos ondes spectatrices, est peut-être le moins abouti. Probablement une direction d’acteurs insuffisante et ne soutenant pas assez des scènes d’une formidable inventivité musicale -le duo Minnie/Dick Johnson, D.Johnson blessé, la partie de poker Minnie/Jack Rance. Les artifices d’une scénographie -mobil-home rose bonbon, deshabillé glamour, bambis dans la neige, télé allumée et vierge auréolée d’ampoules électriques (images à la Martin Parr, photographe)- ne peuvent se substituer à un investissement scénique qui ici doit être total. Retour au format XXL pour l’acte III, impressionnant et poétique cimetière de voitures américaines, foule de ragazzi  guerrière et vengeresse s’apprêtant à pendre le bandit Ramerrez alias Dick Johnson, apparition de Minnie, somptueuse star hollywoodienne -la Stemme mâtinée de Bette Davis et Mae West- descendant un escalier monumental pour sauver son Dick Johnson et repartir avec lui, accompagnée en arrière-plan par un lion de la MGM aux rugissements muets. Cette apothéose visuelle et comique reflète le feu d’artifice lyrique et le lieto fine de ce III.                                            
   Carlo Rizzi met le feu et la couleur à l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, l’anime du singulier pouvoir de narration de cette partition. « Infuser dans le langage musical une nouvelle rhétorique, créer une nouvelle capacité descriptive. » (…) « Comme si Puccini n’était pas seulement le grand compositeur du sentiment mais aussi de la sensation », dit Karol Beffa dans le programme de l’Opéra de Paris. Nous sommes en permanence tenus en haleine par la musique de cette Fanciulla. Les notes de Puccini décrivent minutieusement chaque action, chaque affect, chaque tension. C’est un festival d’inventions sonores, tant dans l’écriture que dans l’utilisation instrumentale. Œuvre absolument intemporelle. Le plateau vocal de cette Fanciulla à Bastille est de grande qualité. Le chœur et les seconds plans sont de luxe, avec un superbe Jack Wallace/Alexandre Duhamel, genre d’Elvis Presley, et un Jack Rance/Claudio Sgura au séduisant timbre noir, au jeu cohérent. Chant châtié pour le Dick Johnson de Marco Berti, passages soignés, aigus rayonnants, legato à l’archet et couleurs innombrables. Son souci du contrôle vocal -nécessaire, on le conçoit- est parfois trop visible. La Minnie de Nina Stemme est grandiose. La Stemme semble se jouer de toutes les difficultés de ce rôle, son aisance laisse pantois, sa technique et son potentiel subjuguent. Reine des félins aux rugissements mélodieux.
   La Fanciulla del West a une place à part dans l’œuvre de Puccini car autant opéra que musique de film. Et la mise en scène de Lehnhoff est pertinente parce qu’il y a relié l’or à l’or et Puccini, ici compositeur de musique de film, au plus bel Hollywood, celui des années 50.

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- Dépôt SACD n°277418 -














                                                 


                                                   


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